mardi 25 février 2014

Les faits sont têtus : le mariage ce n’est pas l’égalité






Au lendemain du vote de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, le PS s’est gargarisé d’avoir réalisé l’égalité[1]. Cette égalité que scandaient les députés dans l’enceinte de l’Assemblée dans les minutes qui ont suivi le scrutin validant la loi.
Dans le contexte houleux qui accompagnait cette ouverture du mariage, les quelques voix qui saluaient l’adoption du texte mais contestaient cette analyse se sont révélées inaudibles.
Il y avait pourtant quelque chose d’indécent à prétendre que la question de l’égalité dans notre pays aurait pu se résoudre par la seule extension de l’accès à certains droits aux couples homosexuels.
En outre, comment peut-on parler d’égalité entre les couples, quand ceux de même sexe sont mis dans l’obligation d’en passer par le mariage pour bénéficier de droits dont les couples hétérosexuels jouissent indépendamment de leur statut conjugal ?
Enfin, le gouvernement prétend avoir sécurisé la situation des enfants qui ne bénéficiaient que d’un seul parent légalement reconnu, alors que dans les faits, il n’en a ouvert que la possibilité. C’est ce que vient de rappeler un article[2] du journal Le Monde, qui confirme ce que dénonçaient les associations gays et lesbiennes, à savoir que la reconnaissance d’une double filiation de ces enfants (et notamment pour des enfants conçus par PMA) demeure soumise à l’arbitraire de la justice.
Aujourd’hui, des couples de femmes qui ne se sont mariées que dans le but d’offrir à leurs enfants conçus par insémination artificielle une sécurisation de leurs liens familiaux pourraient se voir notifier par un juge un refus d’adoption.
En effet, s’il est prévu qu’au sein du couple marié, l’épouse ou l’époux peut adopter l'enfant de son conjoint, certains parquets entendent s’opposer à cette possibilité en instrumentalisant les conditions de conception des enfants.
Quand des procureurs prétendent, pour refuser des adoptions, invoquer la fraude à la loi, de façon abusive certes (la loi française n’interdit pas le recours à la PMA, elle se contente d’en encadrer l’accès sur le territoire français), ce sont les insuffisances et incohérences du gouvernement qu’ils exploitent.
En évacuant la question de la PMA, le gouvernement a délibérément choisi d’entretenir une différence entre parents (en cas de recours à la PMA y compris avec donneur anonyme par un couple hétérosexuel, nul besoin d’en passer par l’adoption pour faire établir la filiation) mais aussi entre enfants.
Dans un cadre hétérosexuel, le projet parental justifie l’établissement de la filiation sans préjuger du lien biologique, dans un cadre homosexuel cette absence de lien biologique redeviendrait soudain problématique au point d’en nécessiter l’approbation de la justice.
Si à technique médicale et statut marital rigoureusement similaires, la filiation est de droit dans certains cas et incertaine dans d’autres, où est l’égalité dont se prévalent les socialistes ?
Cette procédure d’adoption à posteriori est une épreuve, au sens littéral du terme. Car il n’est pas demandé de démontrer une capacité potentielle (comme dans les enquêtes classiques d’agrément) mais de justifier de sa parentalité.
Cette suspicion jetée sur sa qualité de parent est discriminatoire mais aussi d’une grande violence. Et cette violence d’état affecte les mères comme les enfants. Car quels que soient les efforts des parents concernés pour les protéger des effets délétères de ces procédures, ils ne pourront jamais en être totalement abrités.
En obligeant les mères à partir, en fonction de leur domiciliation, à la pêche aux attestations de parents, amis, voisins, médecins, instituteurs certifiant de leur implication, à se soumettre à des enquêtes sociales, à l’accord des grands-parents, à en passer par des visites de la police ou des convocations au commissariat, que dit-on aux enfants de la considération portée à leurs parents ? Quel cas fait-on de leur sécurité, en ne reconnaissant qu’ils ont deux parents que de longs mois après leur naissance, le temps que les dossiers soient montés et examinés ?
En réaction aux réquisitions défavorables de différents parquets, certains en appellent à la Chancellerie pour qu’elle émette une directive rappelant l’esprit de la loi Taubira. D’un point de vue concret, ce serait un moindre mal. Mais ça ne changerait rien à la violence intrinsèque de ces procédures. Ni à leur dimension lesbophobe. Une dimension inscrite dans les choix politiques voulus, validés et mis en œuvre par ce gouvernement.
Aux tartufferies du PS qui prétend brandir l’égalité pour mieux oublier ces PMA qu’il ne saurait voir, les témoignages des familles opposent des réalités têtues. Il est plus que temps, non seulement de permettre à tous et toutes d’accéder aux techniques de procréation médicalement assistées mais de s’attaquer à une vraie réforme de la filiation pour l’inscrire sur l’engagement parental plutôt que sur la biologie, et ce quels que soient le statut matrimonial, le genre et l’orientation sexuelle des parents.

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